Charles Morgan au prisme de Kierkegaard. Lecture de portrait dans un miroir

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Charles Morgan au prisme de Kierkegaard. Lecture de portrait dans un miroir

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Charles Morgan et Kierkegaard ? Le rapport entre les deux auteurs paraît des plus improbables. Les rapprocher, pourtant, ne relève pas d’une gageure, mais du sérieux philosophique. Plusieurs raisons nous permettent de l’affirmer. La première est que Kierkegaard a développé une conceptualité qu’il a lui-même, souvent, commencé par dégager d’une matière littéraire ou l’a éprouvée sur elle ou l’a encore illustrée par elle ; il n’y a donc rien d’arbitraire à se servir de ses catégories pour comprendre une œuvre fictionnelle, comme Portrait dans un miroir de Morgan. La deuxième est que cet auteur britannique est un écrivain réflexif qui, s’il se défend d’avoir un système philosophique, n’en a pas moins une pensée très présente dans ses romans et qu’il l’a exprimée sous une forme théorique, dans ses essais, tout particulièrement dans celui qui porte le titre Sur l’Unité de l’esprit et qui est considéré comme indiquant l’axe directeur de son œuvre ; or, cette unité est identifiée par lui à la pureté du cœur de la sixième béatitude de l’évangile de Matthieu qui sert également de référence principale à Kierkegaard dans l’un de ses Discours de 1847 ; sans prétendre vouloir trancher définitivement la question relative à une quelconque influence du Discours sur l’essai, tenter la comparaison entre les deux nous a semblé aider à mieux éclairer le roman. La troisième est que constituer un couple « Morgan-Kierkegaard » peut témoigner d’une fidélité à leur pensée : à celle du philosophe danois qui juge que « les phénomènes obéissent à la catégorie comme l’anneau à son génie » et à celle de l’écrivain anglais pour lequel une œuvre n’a de chance de durer que si « elle se recrée (…) dans l’esprit de celui qui la reçoit ». Enfin, la dernière raison réside dans le fait que Kierkegaard n’était pas un inconnu pour Morgan, comme en fait foi son essai Time out ; et l’importance qu’il lui reconnaît, pour la modernité et pour la littérature du XXème siècle, rend une mise en relation de leurs écrits, sinon naturelle (Morgan se réclamant plutôt des Anciens), du moins stimulante intellectuellement. Pour cette quadruple raison, nous estimons légitime notre travail d’interprétation existentielle du Portrait dans un miroir, d’analyse du Discours sur la pureté du cœur et de sa comparaison avec Sur l’Unité de l’esprit